Introduction
Méthodologie
Cette étude vise à mieux appréhender la structure bancaire et les pratiques règlementaires en place, elle a été réalisée par le Groupe de travail sur les Services Financiers dans le cadre du Partenariat Euro-méditerranéen. Elle s’appuie sur les réponses à un questionnaire adressé aux Etats de la région MEDA, qui couvre différents sujets relatifs à la régulation bancaire, aux institutions en charge de la supervision ainsi que les conditions de marché qui prévalent, tels que les caractérisent les données récentes du marché. Elle est extraite de l’ouvrage « Vers la zone de libre échange, Programme Euromed Marché » publié en avril 2009[1].
L’étude porte originellement sur neuf pays. Dans ce papier, nous nous concentrerons en particulier sur les pays maghrébins suivants : Algérie, Egypte, Maroc et Tunisie.
Le taux de participation pour chaque réponse a été important, par conséquent le rapport est en mesure de refléter de façon appropriée la situation dans les juridictions mentionnées ci-dessus. Néanmoins, dans certains cas exceptionnels, les questions n’ont pas obtenu de réponse de toutes les juridictions. Lorsque de telles données ne sont pas disponibles dans certains pays, le rapport base ses résultats sur les réponses reçues tout en indiquant le nombre de réponses.
Contexte
La politique européenne de voisinage (PEV) a pour objectif de renforcer les relations de l’UE avec ses voisins. L’UE offre à ses pays voisins une relation privilégiée, bâtie sur un engagement commun pour des valeurs communes, tels que les principes de l’économie de marché, d’une meilleure gouvernance et d’un développement soutenable.
La coopération et l’assistance européenne aux voisins du Sud dela Méditerranéefait partie du programme MEDA qui couvre notamment les pays maghrébins. L’intérêt mutuel de l’UE et de MEDA est de promouvoir des réformes visant la prospérité, la stabilité et l’état de Droit.
L’importance de la contribution du secteur financier à la croissance et au développement économique n’est plus à démontrer.
De nombreuses études, utilisant différentes approches, ont démontré qu’un meilleur développement du secteur financier a un impact positif sur les variables macro économiques clés que sont la croissance, la productivité, et même la réduction de la pauvreté.
La dernière décennie a vu croître rapidement la littérature empirique investiguant les liens entre le développement financier et le développement macro économique. Une revue synthétique de la littérature met en évidence trois conclusions générales (Levine)[2]. Premièrement, les pays ayant un secteur financier plus développé connaissent une croissance plus rapide. A travers l’utilisation attentive de variables instrumentales et de méthodes économétriques sophistiquées, les résultats suggèrent qu’un biais simultané n’influence pas cette conclusion ; la finance paraît donc bien avoir un effet causal positif sur la croissance. En deuxième lieu, le degré d’intermédiation bancaire ou de financement par les marchés du système financier d’un pays importe peu. Ceci n’implique pas nécessairement que la structure institutionnelle n’importe pas pour la croissance ; mais plutôt que différentes structures institutionnelles seraient optimales pour différents pays à différents moments. Troisièmement, l’observation de l’industrie et de l’entreprise suggère que le relâchement de la contrainte de financement externe est un mécanisme à travers lequel la finance influence la croissance, en améliorant alors l’allocation du capital.
Jusqu’aux années 1980, le secteur financier était probablement l’un des secteurs où l’intervention de l’Etat était la plus visible, à la fois dans les pays développés et dans les pays en développement. Dans beaucoup de pays, les banques étaient détenues ou contrôlées par le gouvernement, les taux d’intérêt étaient sujets à des plafonnements ou à d’autres formes de régulation, et l’allocation du crédit était encadrée de la même manière. La fiscalité explicite ou implicite avait également un impact sur le volume de l’intermédiation financière. Des restrcitions à l’entrée et des barrières aux flux de capitaux étrangers limitaient la concurrence. Depuis, beaucoup de pays ont libéralisé et dérégulé leur système financier, même si le processus n’est pas complet.
Un secteur financier sain et dynamique est essentiel pour atteindre un niveau de croissance économique élevé et soutenable dans le Maghreb de même que dans toute la région méditerranéenne.
Remarques préliminaires sur la supervision bancaire et l’intégration
Le cadre règlementaire de la supervision bancaire est basé sur des règles internationales et transfrontières. Les règles de la supervision bancaire au niveau international sont définies par le Comité de Bâle pour la Supervision Bancaire. Les règles principales constituent les Accords de Bâle (Bâle 1 daté de 1988 et Bâle 2 de 2004). Bâle 2 fournit des standards de régulation modernes aux superviseurs bancaires. Bâle 2 stipule trois piliers comme détaillé ci-après. La révision de la Directive européenne relative à l’activité des institutions de crédit ainsi que la Directive du Conseil sur l’adéquation des fonds propres des entreprises d’investissement et des institutions de crédit ont été fusionnées sous le titre « Directive sur l’adéquation des fonds propres » (ou Capital Requirements Directive, CRD) ; elle transpose les règles de Bâle 2 en droit européen, avant une transposition (éventuelle) en droit national de tous les pays membres de l’UE.
Les principaux principes de Bâle 2 sont des aspects qualitatifs de la supervision bancaire.
Le Pilier I impose aux institutions de crédit de l’Union européenne une évaluation fine des risques (risques de crédit, risques de marché, risques opérationnels) auxquels elles sont exposées dans le cadre de leur activité. Le Pilier II de Bâle 2 donne principalement la possibilité aux régulateurs nationaux d’imposer aux banques, s’ils le jugent nécessaire, des fonds propres supérieurs au minimum réglementaire du Pilier I. En Allemagne par exemple, le régulateur (BaFin) coopère étroitement avec la banque centrale (Bundesbank) pour un processus de supervision flexible, tourné vers les risques et de qualité, qui autorise une latitude suffisante aux institutions de crédits pour définir leur processus de gestion des risques et qui supervise les changements nécessaires de leurs plans et méthodes de travail. Un autre pilier impose des déclarations qualitatives et quantitatives aux banques concernant leurs risques de marché et l’adéquation de leurs fonds propres. Ceci a pour objectif d’améliorer la transparence des marchés et par conséquent le renforcement de la discipline de marché ainsi qu’une bonne gouvernance d’entreprise.
Autre outil pour une supervision bancaire renforcée et efficace, les 25 « Principes fondamentaux pour un contrôle bancaire efficace », dela Banquedes Règlements Internationaux, ont été à l’origine publiés par le Comité de Bâle pourla Supervisionbancaire en 1997 et révisés en 2006. Dans l’annexe au questionnaire, les juridictions MEDA ont été interrogées pour déterminer si elles étaient compatibles avec chacun de ces 25 principes et dans quelle mesure. La très large majorité des réponses aux 248 articles (94%) est positive ou « conforme ». Ce point ne sera donc pas développé plus avant dans ce rapport.
En plus de cinq décennies,la Communautéeuropéenne a œuvré pour créer un marché transfrontière intégré entre ses 27 Pays Membres de même qu’avec les 3 pays membres dela CEE(non membres de l’UE), soit 30 Etats européens. La zone est basée sur le principe des « quatre libertés », la liberté de circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux. La mise en œuvre de ces libertés a posé les fondations d’un marché intégré également appelé « Marché Unique européen ».
Intégration européenne
Le Marché Unique bancaire européen est réalisé grâce à la mise en œuvre de plusieurs directives européennes. Les obstacles et barrières nationaux ont été réduits de façon continue afin de permettre la libre circulation des services bancaires. Ce concept a été institutionnalisé par le « Passeport européen » qui, en substance, autorise un établissement bancaire à opérer dans la zone avec seulement une licence, accordée au siège par l’Autorité administrative compétente du Pays Membre dans lequel il est établi (Home). L’établissement de crédit peut alors ouvrir des agences ou proposer des services bancaires dans d’autres Pays Membres sans avoir à procéder à une autre demande d’autorisation ou d’accord auprès d’un autre Etat Membre dans lequel la banque envisage d’opérer (Host). L’autorité du Pays Membre d’accueil se fie à la procédure de licence conduite dans le Pays Membre d’origine, en raison d’un même environnement règlementaire[3]. La mise en œuvre des directives bancaires européennes assure que les mêmes exigences et règles sont en vigueur dans tous les Pays Membres. On peut alors présumer que le même corps de règles s’applique à tous quelque soit l’autorité de supervision en charge et donc qu’il n’y a aucune raison qu’une autre autorité remette en cause cette autorisation. Ces facteurs accélèrent le processus panEuropéen de façon significative et assurent une plus grande flexibilité aux banques.
Développements économiques récents au Maghreb
Les principales caractéristiques des systèmes financiers du Maghreb sont communes aux autres pays de la région et sont les suivantes : (a) une dominance bancaire et une prédominance du secteur public dans beaucoup de pays ; (b) une ouverture limitée du secteur financier dans certains pays ; (c) une grande disparité d’un pays à l’autre pour ce qui concerne la solidité du secteur bancaire ; (d) des banques publiques entravées par un manque d’efficacité et un niveau important de défauts de crédits dans certains pays ; (e) des marchés obligataires et d’actions encore embryonnaires dans certains pays; (f) une industrie d’investisseurs institutionnels naissante et une microfinance généralement sous-développée ; (g) des défauts dans le cadre légal, règlementaire et de supervision en dépit de progrès importants ; et (h) un système de paiements largement basé sur les espèces et en cours de modernisation (Tahari & al., 2007[4]).
Les pays de la zone en sont à des niveaux différents de développement économique et disposent de dotations différentes en ressources naturelles. Les réformes économiques qui ont d’ores et déjà été mises en œuvre durant les deux dernières décennies ont de manière générale apporté une stabilité macroéconomique et contribué à accélérer la croissance dans certains pays. Les dividendes de la croissance ont été distribués : la croissance du PIB par habitant (en parité de pouvoir d’achat) a quelque peu accéléré dans la région durant la dernière décennie même si la vitesse de croissance varie très fortement d’un pays à l’autre (Tableau 1).
Les sytèmes financiers se sont développés fortement ces dix dernières années. A différents degrés, les pays ont amélioré leur cadre légal et règlementaire, privatisé les banqeus publiques et stimulé la concurrence dans le secteur financier.
En termes quantitatifs, en moyenne, le ratio du crédit domestique fourni par le secteur bancaire rapporté au PIB (excepté pour deux pays) a augmenté de 69% en 1995 à 75% en 2006, alors que le ratio du crédit domestique au secteur privé rapporté au PIB est passé en moyenne de 39.5% à 47.3% pour la même période (Tableau 2).
Le volume de crédit n’est pas un indicateur exhaustif ; dans certains pays de la zone, le niveau des défauts de crédit demeure important, en dépit de récentes améliorations importantes. Par exemple, le ratio des défauts de crédit rapportés au total des prêts est de 32,4% en Algérie (fin 2005), 20,9% en Tunisie et 10,9% au Maroc fin 2006 (Tahari & al., 20073).
Restitution des réponses au questionnaire
Institutions en charge de la supervision bancaire
Chaque juridiction peut assigner à une autorité ou à plusieurs institutions coopérant la responsabilité de la supervision. Il peut s’agir de la banque centrale ou d’une autorité financière spécifique en charge des affaires bancaires ou suivant le concept d’une supervision intégrée et d’un régulateur intégré.
Dans tous les cas la supervision bancaire est directement logée au sein de la banque centrale. La banque centrale joue le rôle d’une institution indépendante des agences gouvernementales, telles que les Ministères. C’est d’autant plus vrai que, lorsque la banque centrale est en charge de la supervision, elle est typiquement également en charge de la régulation (voir infra). En Algérie, dans le cadre du contrôle sur pièces et sur place,la Commission Bancaireutilise les services de l’Inspection générale dela Banqued’Algérie pour ce contrôle. Dans ce cas, les responsabilités de supervision sont réparties entre la banque centrale et une autre autorité dans une approche commune.
Responsabilité des institutions de supervision
Afin de définir le statut d’une autorité, il est important de voir à qui elle doit rendre des comptes, c’est-à-dire auprès de qui elle doit faire un rapport de ses activités. La responsabilité à un niveau très haut placé est un indicateur de la place accordée à une institution dans le système.
En Algérie, les décisions dela Commission Bancairepeuvent faire l’objet d’un recours auprès du Conseil d’Etat. Dans les trois autres pays, le statut de l’autorité est ainsi défini par la référence faite à la tête de l’Etat. Au Maroc en particulier, la responsabilité est exercée auprès du Gouverneur dela Banquecentrale.
Responsabilité légale des superviseurs
La question posée ici est de savoir si le superviseur peut être tenu responsable légalement de son action administrative ou de l’ommission d’une activité jugée nécessaire. La responsabilité, pour ce qui concerne le seuil auquel elle peut être déclenchée ou bien l’objet, peut en principe varier d’une juridiction à une autre. Certaines peuvent également rendre responsable l’employé en charge tandis que d’autres peuvent limiter la responsabilité à l’institution elle-même en tant que personne morale (légale).
Dans toutes les juridictions saufla Tunisie, les superviseurs étaient légalement responsables de leurs actions. Au Maroc, la responsabilité légale ne peut être actionnée tant que le superviseur agit dans le cadre strict de sa mission.
Système d’assurance des dépôts
Un système efficace d’assurance des dépôts ou de protection des dépôts trouve toute sa justification dans à la fois le souci de stimuler la confiance et l’intégrité du marché ainsi que celui de la protection des investisseurs. L’UE a traité le statut du système d’assurance des dépôts dansla Directiverelative aux systèmes de garantie des dépôts de 1994 etla Directiverelative aux systèmes d’indemnisation des investisseurs de 1997. Suite aux bouleversements financiers récents, les institutions européennes se sont engagées à renforcer la protection des dépôts, au-delà du seuil en vigueur en UE fixé alors à 20 000 euros par déposant. De plus, alors quela Directiveeuropénne stipule seulement des standards minimum, un certain nombre de Pays Membres sont allés au-delà pour le bien des investisseurs. Plusieur pays européens comme l’Allemagne ont ajouté des critères aux standards minima, dans le cadre de l’Etat or des associations bancaires. Sur un plan international également, la protection des dépôts est devenue alors un sujet de premier ordre, l’UE par exemple a décidé d’augmenter la protection à 50.000 euros cette année et à 100.000 euros l’année prochaine (proposé parla Commission Européenele 15 octobre 2008, http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/08/1508).
Quoi qu’il en soit, l’ampleur du besoin d’un tel système dépend de façon significative des conditions de marché. Alors que la majorité des réponses sont positives, seule l’Egypte déclare clairement qu’aucun système d’assurance des dépôts n’est en vigueur. Les circonstances du marché n’y ont pas rendu nécessaire un tel système puisqu’il est surliquide jusqu’à ce jour.
Ceci souligne le fait que la protection des dépôts a pour vocation principale la protection des clients de la banque de détail.
L’Algérie possède un système explicite d’assurance des dépôts dénommée « Société de garantie des dépôts bancaires ». Elle a le statut d’une société par actions et, les banques et succursales de banques étrangères installées en Algérie doivent souscrire à son capital. Ces dernières sont appelées à verser une prime annuelle calculée sur le montant global des dépôts en monnaie nationale enregistrés au 31 décembre de chaque année. Le taux de la prime est fixé dans la limite de 1% par le Conseil dela Monnaiedu Crédit.La Sociétéde garantie veille au recouvrement des primes dues et s’assure du placement de ces ressources dans des actifs sûrs.
Au Maroc, le Fonds collectif de garantie des dépôts est géré parla Banque Centrale.L’adhésion au Fonds est obligatoire pour l’ensemble des établissements de crédit recevant des fonds du public. Le FCGD est destiné, en priorité, à indemniser les déposants des établissements de crédit en cas d’indisponibilité de leurs dépôts ou de tous autres fonds remboursables. Il peut également, sous certaines conditions, consentir des prêts remboursables à ses membres en difficulté. Son financement est assuré par des contributions annuelles des établissements membres. Le taux de la cotisation, plafonné légalement à 0,25% des dépôts et autres fonds remboursables, est fixé à 0,2%, le montant maximal garanti est de 80 000 dirhams.
En Tunisie, la loi relative aux établissements de crédit a institué un mécanisme de garantie des dépôts auquel les banques sont obligées d’y adhérer, mécanisme destiné à indemniser les déposants en cas d’indisponibilité de leurs dépôts ou autres fonds remboursables. L’indisponibilité des fonds est constatée par la banque centrale de Tunisie, lorsqu’une banque n’est plus en mesure de restituer, immédiatement ou à court terme, les fonds qu’elle a reçus du public conformément aux conditions réglementaires ou contractuelles applicables à leur restitution. La susdite loi a laissé le soin à la banque centrale de Tunisie de fixer les conditions de fonctionement de ce mécanisme dont notamment, la nature des fonds concernés, le montant maximum de l’indemnisation par déposant, les modalités et les délais d’indemnisation ainsi que les règles relatives à l’information obligatoire de la clientèle. Ces conditions ne sont pas encore élaborées. Un texte dela Banque Centralede Tunisie à paraître instituera le montant maximal de garantie.
Cadre légal de la supervision bancaire
Ce chapitre s’intéresse à la question de l’autorité en charge de l’octroi de licence et de la conformité. Cet élément est lié à la première question ci-dessus mais développe plus précisément le domaine particulier de la supervision.
La première question montre quelle autorité accorde l’autorisation de l’établissement de l’activité bancaire, c’est-à-dire l’agrément. Il est accordé par le Conseil dela Monnaieet du Crédit en Algérie,la Banquecentrale en Egypte et au Maroc, le Ministre des Finances en Tunisie sur avis dela Banquecentrale.
La deuxième question interroge l’institution disposant du pouvoir de vérifier la conformité avec les lois (bancaires) de même que chargée des sujets de sécurité et de solidité. A une exception près,la Tunisieoù c’est à la charge dela Banquecentrale, il s’agit de la même institution que celle accordant l’agrément.
Conformité aux Accords de Bâle
Les accords de Bâle étant de première importance, l’un des objets clé du questionnaire était de vérifier dans quelle mesure les juridictions se sont adaptées aux exigences bancaires qui découlent de l’Accord. Dans l’Union Européenne, les exigences de Bâle 2 sont mises en œuvre depuis 2007. Il est à la discrétion de chaque institution de crédit de suivre l’approche standard, qui est d’une certaine manière plus proche de Bâle 1, ou bien l’approche avancée. Jusqu’à ce jour, une majorité significative de banques ont décidé d’appliquer l’approche standard alors que seulement un petit nombre de banques a opté pour l’approche avancée qui peut représenter un plus grand défi pour les institutions en particulier au début.
Toutes les juridictions sont conformes aux exigences de Bâle 1. Toutes les réponses expriment un engagement à mettre en œuvre Bâle 2. La transposition est actuellement en place ou devrait au moins être envisagée dans un futur proche. L’Algérie est disposée pour adopter Bâle 2 mais sa mise en œuvre nécessite un travail préalable profond et vaste. Le projet de coopéeration spécifique est en cours avec l’UE en Egypte sur trois ans à partir de janvier 2009 pour étudier sa mise en œuvre. Les nouvelles dispositions de Bâle sont entrées en vigueur au Maroc en juin 2007 ; toutes les banques sont assujetties à Bâle 2 en mode standard et sont incitées par les Autorités à évoluer vers l’approche avancée. En Tunisie, la création d’une Commission stratégique « Bâle 2 » a été décidée en août 2007 au niveau dela Banque Centralede Tunisie, chargée d’élaborer un programme excutif. Bien qu’aucune date ne soit pour le moment fixée, les travaux techniques se sont achevés fin 2008, avec une probable publication des textes législatifs et réglementaires courant 2009 et une mise en place effective de l’accord de Bâle 2 à l’horizon 2010.
Nombre de banques
Globalement, les marchés bancaires de la zone ont une taille relativement grande, et sont diversifiés.
Le nombre de banques peut être un bon indicateur du degré de concurrence et de la mesure dans laquelle les citoyens sont en position d’avoir accès à des services financiers même si la disparité dans le niveau de service peut varier entre les zones urbaines et rurales.
Le nombre de banques est à deux chiffres dans toutes les juridictions, variant de 16 à 40. Il varie d’un pays à l’autre, avec une moyenne de 23.75 par pays et un écart-type de 10.97 (Tableau 3). Le plus petit marché en nombre de banques est le Maroc avec 16 établissements bancaires alors que le plus grand nombre est de 40 en Egypte.
L’accès aux services financiers est souvent faible, les coûts de transaction tendent à être élevés et la base légale du renforcement collatéral demeure limitée. Ce sont les principales raisons expliquant que l’intermédiation financière subisse de sévères contraintes, limitant de fait la croissance. C’est particulièrement vrai pour les petites et moyennes entreprises, qui n’ont souvent d’autre choix que d’avoir recours à l’autofinancement et/ou à la finance familiale.
Taille du système bancaire
Afin de déterminer la position et le pouvoir de marché du système bancaire d’un pays, il est utile de regarder la relation entre les actifs bancaires et le PIB, de même que la corrélation entre les mêmes actifs bancaires et le total des actifs du système financier.
Les actifs du secteur bancaire sont supérieurs au PIB annuel au Maroc et en Egypte (respectivement 106% et 121%) et inférieurs en Algérie (69.3%) et en Tunisie (92%).
Les données sur la corrélation entre les actifs du système bancaire et ceux du système financier dans son ensemble indiquent que les actifs représentent 55% du total des actifs en Egypte et au Maroc, alors quela Tunisiea renseigné un niveau plus important de 86.4%.
Accessibilité bancaire
Un niveau correct de développement du secteur bancaire assure à la population un accès suffisant aux services bancaires. L’accessibilité est typiquement renseignée par le nombre d’agences rapporté au nombre d’habitants. Le chiffre reflète la situation globale à travers chaque juridiction. L’accessibilité varie certainement entre les différentes régions d’un même pays, c’est-à-dire que le capital et les grandes villes vont de pair avec une plus grande accessibilité. Néanmoins, une différenciation plus poussée n’a pas été étudiée au-delà de ces données qui donnent ici une vision générale par pays.
Un indicateur plus fin du marché et en particulier de l’accès potentiel de la population aux services bancaires est donné par le nombre d’agences servant 100 000 habitants : ce chiffre varie de 4 (Algérie) à 14,9 (Maroc) parmi les pays du Maghreb (Tableau 5). Ces chiffres sont des indicateurs comparativement faibles au regard de la situation dans les pays européens : par exemple il est de 47,6 en Allemagne, de 63,1 en France et 57,6 dans la zone euro. Néanmoins, l’industrie bancaire est dans un processus émergent dans les pays de la zone, qui peut aller de pair avec une plus grande accessibilité dans le futur, sauf si d’autres cannaux de distribution comme les services de banque en ligne se substituent au besoin d’un nombre plus grand d’agences bancaires.
Cet indicateur montre ainsi une structure bancaire plus large que le simple nombre de banques n’aurait pu le montrer.
Secteur public
Pour évaluer le secteur bancaire d’un pays, il est nécessaire aussi de vérifier dans quelle mesure l’Etat ou le gouvernement dirige à la destinée d’une banque ou en est propriétaire. Les activités du gouvernement en la matière peuvent avoir un impact sur la concurrence de même que sur les services de l’industrie bancaire.
C’est la nature des banques qui est analysée ici, à savoir si ce sont des banques commerciales, également renseignées sous le terme de banques privées, ou des banques publiques. Tous les pays disposent d’un secteur bancaire public important, mais une grande disparité existe en ce qui concerne leur degré de pénétration sur le marché bancaire.
Pour réellement déterminer la propriété de l’Etat et son rôle de marché, il est également pertinent de voir si les banques publiques sont plus grandes que les banques commerciales dans les différentes juridictions. La part des banques publiques varie entre 15% du total des actifs (Egypte), et 38% (Algérie), alors que le ratio est sensiblement le même au Maroc et en Tunisie (24-25%). La part des actifs bancaires publics varie quant à elle entre 27% au Maroc, 41% en Tunisie, 47% en Egypte. Le secteur bancaire public domine en Algérie dans la mesure où il atteint un maximum avec 90% des dépôts et crédits.
L’environnement concurrentiel
Ce chapitre illustre l’environnement concurrentiel à travers la concentration de l’industrie bancaire. Un haut niveau de concentration peut être lié à une concurrence restreinte, mais d’un autre côté les institutions de crédit peuvent être aussi en meilleure position pour offrir une grande variété de produits et services.
L’étude s’intéresse à la part dans le total des actifs et des dépôts de la plus grande banque, des trois plus grandes et des cinq plus grandes. Pour ce qui concerne les actifs de la plus grande banque, les chiffres sont de 37.7% en Algérie, 25.7% au Maroc, 22.9% en Egypte et 14.9% en Tunisie.
Le deuxième indicateur, à savoir les actifs détenus par les trois plus grandes banques, montre une certaine homogénéité, entre 43% pour l’Egypte etla Tunisieet 63% au Maroc.
Les données concernant les cinq plus grands établissements varient entre 52.6% en Egypte, 61.4% en Tunisie et 81.1% au Maroc.
La question de la part des dépôts était posée pour les trois et les cinq plus grandes banques seulement. L’image est diversifiée mais demeure proche de celle établie à partir des parts de marchés des actifs (Tableau 7).
Mesurée par l’indice Herfindhal-Hirschman (la somme du carré des parts de marché des actifs individuels des banques), l’industrie montre une relativement faible concentration (Tableau 7).
Présence étrangère
La concentration du marché et la part des banques publiques sont de bons indicateurs du secteur bancaire. Comme mentionné précédemment, et pour compléter le tableau, il peut être intéressant de savoir dans quelle mesure les banques sont domiciliées dans les juridictions respectives ou bien si elles sont étrangères. Cependant, la seule domiciliation n’exprime pas la propriété réelle, aussi la question de la mesure de la présence étrangère se focalise sur la part des banques à capitaux étrangers ainsi que sur la part étrangère dans les actifs bancaires.
Dans toutes les juridictions, les banques étrangères sont minoritaires, le marché est à prédominance domestique. Cependant, la participation varie beaucoup. Dans une juridiction, le nombre de banques étrangères excède la moitié du nombre total de banques (Algérie) alors que la part la plus faible est de 17,5% seulement en Egypte (Tableau 8).
Au-delà du nombre absolu, il est également intéressant de connaître la part des actifs bancaires détenus par des étrangers, puisque le nombre d’établissements étrangers ne peut indiquer leur part de marché. Toutes les juridictions ont des banques étrangères même si le domaine d’activité de ces dernières varie beaucoup d’un pays à l’autre. La part des actifs étrangers dans le total des actifs varie entre 6,5% en Egypte, près de 8% en Algérie, 21,7% au Maroc et 27,6% en Tunisie.
Conclusion
Tous les pays sont conscients de l’importance de la modernisation de leur secteur financier et ont mis en œuvre des réformes depuis de nombreuses années, et les résultats sont encourageants.
Les lois et règles bancaires essentielles sont aujourd’hui en vigueur dans la plupart des pays de la région et les banques centrales renforcent leur capacité de supervision. Les systèmes de gestion deviennent de plus en plus sophistiqués et souvent incluent des procédures renforcées pour les fonctions de supervision basées sur le risque, avec des manuels de supervision et de formation pour les agents et collaborateurs. La gouvernance d’entreprise bancaire ainsi que la conformité règlementaire aux exigences en fonds propres ont été améliorées de façon significative, grâce à une meilleure préparation des effectifs au regard de ces obligations nouvellement introduites ou renforcées.
En dépit de progrès et d’un nombre important de réformes menées à bien, plusieurs défis demeurent et doivent être traités pour préparer l’industrie bancaire. Certaines des réformes nécessaires faciliteraient également l’intégration financière de la région, contribuant au projet de zone de libre d’échange :
- Renforcer la solidité des systèmes bancaires dans tous les pays. En particulier, il est important de réduire le niveau des défauts de crédit, de restructurer les banques publiques, et de poursuivre la conformité avec les règles prudentielles ;
- Améliorer la concurrence au sein du système bancaire. En particulier, la forte présence de l’Etat dans le capital des banques et les restrictions d’accès au marché à l’égard des capitaux étrangers répriment la concurrence et l’approfondissement financier de la région ; il conviendrait d’ouvrir le secteur bancaire aux banques commerciales, via les institutions de crédit domestiques et étrangères ;
- Développer les marchés financiers dans les pays où ils sont dominés par les banques. Les marchés financiers (marchés de la monnaie, interbancaire, des changes, des actions et des valeurs) sont embryonnaires ou superficiels dans beaucoup de pays, et les institutions financières non bancaires ne sont généralement pas assez développées ;
- Optimiser la structure du secteur financier. En particulier, il est nécessaire de renforcer les pratiques comptables et d’audit, la transparence et la gouvernance d’entreprise, le cadre légal et judiciaire, ainsi que les systèmes de paiement.
- Intensifier la coopération entre les superviseurs maghrebins pour stimuler un cadre commun entre les pays qui soit capable de stimuler des activités bancaires au-delà des frontières. Ainsi, les institutions responsables seraient à même de coordonner leur pratique courante et d’échanger leurs expériences.
[1] Les services financiers dans le partenariat euro-méditerranée : banque, Estelle Brack, Robert Elsen et Jean-François Pons, dans « Vers la zone de libre échange, Programme Euromed Marché », EIPA avril 2009
[2] Levine, Ross, 2005, “Finance and Growth: Theory and Evidence,” in Philippe Aghion and Steven Durlauf, eds., Handbook of Economic Growth, Vol. 1 (Amsterdam, Netherlands: Elsevier Science).
[3] « Level playing field »
[4] Tahari & al., „Financial Sector Reforms and Prospects for Financial Integration in Maghreb Countries“, IMF Working Paper WP/07/125